Le Digital Services Act (DSA), ou Règlement (UE) 2022/2065, adopté le 19 octobre 2022, constitue une réforme majeure du cadre juridique européen régissant les services numériques. Ce règlement vise à harmoniser les obligations des intermédiaires en ligne et à renforcer la responsabilité des plateformes numériques dans l’Union européenne.
Contexte juridique et objectifs
Le DSA s’inscrit dans la continuité de la Directive 2000/31/CE sur le commerce électronique, qu’il modifie et actualise pour répondre aux défis posés par l’évolution rapide des services en ligne. Son objectif principal est de créer un marché unique des services numériques en établissant des règles uniformes pour les intermédiaires en ligne, tout en garantissant un environnement en ligne sûr et transparent pour les utilisateurs.
Champ d’application et définitions clés
Le DSA s’applique à une large gamme d’intermédiaires de services numériques, y compris les fournisseurs de services de simple transport, de mise en cache et d’hébergement. Il introduit des définitions précises pour des termes tels que « plateformes en ligne » et « très grandes plateformes en ligne » (Very Large Online Platforms – VLOPs), ces dernières étant définies comme des plateformes comptant plus de 45 millions d’utilisateurs actifs mensuels dans l’UE.
Obligations des intermédiaires en ligne
Le DSA établit un régime de responsabilité différencié en fonction du type et de la taille de l’intermédiaire :
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Fournisseurs de services de simple transport et de mise en cache : Ils bénéficient d’une exemption de responsabilité pour les contenus transmis ou stockés automatiquement, à condition de ne pas avoir initié la transmission, sélectionné le destinataire ou modifié les informations transmises.
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Fournisseurs de services d’hébergement : Ils ne sont pas responsables des informations stockées à la demande d’un destinataire du service, sauf s’ils ont effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicite et n’agissent pas promptement pour retirer ou désactiver l’accès à ces informations.
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Plateformes en ligne : Elles doivent mettre en place des mécanismes de notification et d’action permettant aux utilisateurs de signaler des contenus illicites, ainsi que des systèmes de traitement des plaintes internes. Elles sont également tenues de fournir des informations claires sur les publicités affichées et sur les paramètres utilisés pour personnaliser ces publicités.
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Très grandes plateformes en ligne (VLOPs) : En plus des obligations précédentes, elles doivent évaluer et atténuer les risques systémiques liés à leurs services, tels que la diffusion de contenus illicites ou préjudiciables, et sont soumises à des audits indépendants annuels. Elles doivent également fournir un accès aux données pertinentes aux autorités compétentes et aux chercheurs agréés pour faciliter l’évaluation de ces risques.
Transparence et rapports
Le DSA impose des obligations de transparence accrues, notamment la publication de rapports de transparence détaillant les actions de modération de contenu, les mesures prises pour lutter contre la diffusion de contenus illicites et les informations sur les systèmes de recommandation utilisés. Les VLOPs doivent également établir des archives des publicités affichées sur leur plateforme, accessibles au public, afin de garantir une transparence accrue en matière de publicité en ligne.
Mise en œuvre et sanctions
Chaque État membre est tenu de désigner une autorité compétente chargée de superviser la conformité au DSA. Pour les VLOPs, la Commission européenne dispose de pouvoirs de surveillance et d’enquête accrus, y compris la possibilité d’imposer des amendes pouvant atteindre 6 % du chiffre d’affaires annuel mondial de l’entreprise en cas de non-conformité.
Le Digital Services Act représente une évolution significative du cadre juridique européen pour les services numériques, renforçant la responsabilité des intermédiaires en ligne et établissant des normes élevées de transparence et de sécurité pour les utilisateurs. Les professionnels du droit devront suivre de près la mise en œuvre de ce règlement et les éventuelles jurisprudences qui en découleront pour conseiller efficacement leurs clients dans ce nouveau paysage réglementaire.
Sources :
« Europe ‘must not be bullied’ by Trump and Musk on tech laws, NGOs say », The Guardian
« Europe ramps up its battle with Elon Musk », Financial Times